GENÈSE Il y a une époque où tu croyais encore aux contes de fée. Où l'espoir brillait dans tes yeux. Où tu étais convaincu qu'un avenir meilleur t'attendait. Même petite fille, tu voyais à travers les paillettes, les paparazzis et les vacances à l'autre bout du monde. Une vérité qui t'a éclaté en plein visage et qui a effrité ton cœur à jamais : tes parents ne s'aimaient pas. Personne pour le dire, tu étais en permanence écrasé par le poids des secrets, des tabous alors que tour à tour, tu as pu les surprendre à faire des choses insensées. Tu faisais juste une longue partie de cache-cache avec la gouvernante qui a fini par t'oublier. Tu n'aurais jamais dû voir ça et papa ne l'a jamais su. Tu n'as pas voulu qu'il te crie dessus encore. Tu as tout fait pour rester dans ton déguisement d'agneau. Une enfant aurait-elle pu faire autrement ? Mais tu voyais déjà tellement ta mère pleuré. D'aussi loin que tu te souviennes : l'as-tu déjà vu heureuse ?
PROMENONS-NOUS DANS LES BOISTu as beaucoup changé d'école. Déménager. Tes parents étaient ensemble pour des grands évènements, dans de belles robes de soirées et tu pouvais les voir à la télévision. Parfois, tu étais avec eux. Mais c'était si rare. L'enfant sage a laissé place à une adolescente cruelle. Être renvoyé de quelque part, c'était ton jeu préféré. Pour avoir un peu d'attention. Pour qu'on te voit, qu'on t'admire ou qu'on te méprise. Peu importe. C'était toujours mieux que d'être ignorée, entièrement absorbée par le chagrin de ta mère que tu as toujours dû protéger. A la fois des "on dit", mais surtout, surtout d'elle-même qui ne trouvait rien de mieux à faire que de s'oublier. L'alcool souvent. La drogue parfois. Les amants aussi. Tu as commencé à les détester tous les deux. Pourquoi faire semblant en public quand ils ne font que se détruire dans l'intimité ? Étiolée, prisonnière, d'agneau tu es devenu louve et tu as montré les dents pour protéger ta mère de ton père. Car dans un conflit, on finit par prendre parti. Qu'a été sa réponse ? Disparaître sans laisser de trace.
PENDANT QUE LE LOUP N'Y EST PASQuand il revenait de temps à autre, tu pouvais au moins voir ta mère sourire par écran interposé. Quand elle était à son bras sur les tapis rouges. Tu as 15 ans et tu la vois sombrer encore. N'y a-t-il pas de fond dans ce gouffre ? Une douleur au ventre effroyable, elle a refusé d'aller à l'hôpital. Puis de l'eau, le ventre qui s'arrondit soudainement et un accouchement que personne n'a vu venir. Tu as appris plus tard qu'on appelle cela "un déni de grossesse". Mais tu étais la seule à être là, elle a refusé que tu appelles les secours. Le bébé est né, le cordon autour du cou. Tu l'as sauvé et elle te criait dessus qu'il aurait dû mourir. Qu'il n'est pas ton frère. Qu'elle doit l'abandonner. Tu as fait tout comme elle a dit. Puis tu l'as rassurée. Epaulée. Aidée. Comme ton père ne l'a jamais fait. Vous n'avez plus jamais reparlé de cet enfant. Même si toi, tu penses toujours à lui. Il t'a obsédé au point de te pousser à faire des études de médecine. Et tu es sage-femme aujourd'hui.
LE LOUP NE REVIENDRA PASFinir tes études a été si éprouvant, alors que tu tenais toujours ta mère à bout de bras, tu as refusé de travailler tout de suite. Alors qu'elle était soignée à l'hôpital, tu as décidé de tout foutre en l'air. De vivre. De faire la fête jusqu'à en oublier ton propre nom, ta propre histoire. Tu es devenue Esmée. Tu as fait tourner toutes les têtes et tu as cherché tant bien que mal, toi aussi à être aimé d'une manière ou d'une autre. Mais rien n'a jamais fonctionné. Tu partais, tu sabotais tout, tu ne donnais jamais ta confiance. Si un homme ressemblait un peu à ton père, il t'obsédait mais tu ne voulais lui laisser aucun contrôle. Jamais. Homme, femme. Alcool et puis drogue pour toi aussi. Un tourbillon libérateur mais destructeur à la fois, pour toutes les personnes qui t'ont approché. En tant que "fille de", tu ne t'es jamais lancé dans le show-business. Tu as été dans la presse à scandale pourtant, alors que tu t'es battu contre un amant de ta mère particulièrement violent. Ton père ? Oh, il fait le tour du monde et continue à se faire aimer de tout le monde sans jamais revenir vous voir. Tu as toujours su qu'il ne reviendrait jamais. Et ton instinct ne t'a pas trompé.
LE LOUP N'EST PLUSApprendre la mort de son père dans les journaux, c'est terrible. Il a été assassiné sauvagement par un fan, à l'autre bout du monde. Tous les détails glauques ont été donné à la presse et ça t'a fait péter un plomb. Tu l'as toujours détesté autant que tu l'aimais et le choc a été immense. Même à 35 ans. On n'est jamais prêt à perdre un parent. On a rapatrié le corps. Il y a eu l'enterrement. Puis l'héritage. Une somme mirobolante t'es tombée sur la tête, ainsi que sur celle de ta mère qui a vécu ce deuil comme une libération. Tu as eu beaucoup de mal à le comprendre et tu l'as détesté elle aussi. Refaire sa vie avec quelqu'un ? Si vite ? Pourquoi ? Il est arrivé si vite, appâté par le gain sans aucun doute. Tu l'as détesté au premier regard. Il a mis ses sales pattes sur ta mère, il a pris ta place auprès d'elle, il t'a mise dehors en prétextant que c'était mieux pour tout le monde. Il a voulu jouer avec toi ? C'est par sa faute que tout est arrivé. Alors tu as réfléchi à un plan, une manière de la coincer. Une manière que tous tes problèmes s'arrêtent enfin. Tu n'en as jamais parlé à personne et tu as attendu le bon moment. Un sourire mauvais sur les lèvres.
MAIS C'EST TOI LE LOUP MAINTENANTIl fallait trouver des responsables à ton mal-être. A ton deuil que tu ne fais toujours pas. A cette souffrance qui t'a toujours rongé, comme elle a dévoré ta mère. Tu as attendu que ta mère se remarie avec ce monstre. Tu as laissé faire pour endormir la vigilance de l'ennemi. Ce n'est pas quelqu'un de bien et sa mère ne veut pas le voir. Il est temps que ça se termine. Et c'est toi qui va tout orchestrer. D'une main de maître. Personne ne connaîtra jamais la vérité. A part lui. Et s'il parle, c'est lui qu'on accusera. Un plan parfait. De bout en bout. Qui commence par un évènement atroce mais que tu as bien mieux encaissé que le premier. Ta mère est morte aujourd'hui, ou peut-être hier, tu ne saurais le dire. Un suicide. Plutôt étrange pour une femme qui disait avoir enfin trouvé le bonheur loin de toi. Mais on ne doit pas remettre en cause les conclusions de la police n'est-ce pas ? Tu n'as pas pleuré à son enterrement. Tu n'as pas été surprise de découvrir qu'elle avait fait un testament pour que lui, son cher nouveau mari, puisse avoir toute la fortune de ta famille. Tu lui as offert un regard satisfait en sortant de chez le notaire. Le jeu allait pouvoir commencer.
LE GARÇON QUI CRIAIT AU LOUPEst-ce qu'il a compris ? Est-ce qu'il se noie dans sa nouvelle fortune en riant de toi ? Qui rira bien... rira le dernier comme on dit. Tu as frappé à sa porte, alors que les camions de déménagement mettaient ta vie de Los Angeles en carton. Tu sais que tu pourras avoir une vie normale là-bas. C'est ce dont tu as toujours rêvé. Mais parviendras-tu à mettre tant d'années de décadence de côté ? Il n'a pas voulu te parler, n'a pas compris et tu as insisté jusqu'à ce qu'il t'entende enfin. Le piège a pu alors se refermer sur lui. Dans des mots simples, mais tu te rappelleras toujours de la terreur que tu as pu lire dans son regard à ce moment-là. Quand il a compris dans quelle merde il était. Quand il a vu toute ta folie dans tes yeux noirs. Quand tu as scellé dans un baiser tes menaces de mort et que tu as pris le contrôle tout entier de sa vie sans qu'il ait rien vu venir. Ton discours commençait par une révélation toute simple qui allait tout changer.
« Ma mère, c'est moi qui l'ai tué… »