Je pense que je suis clairement en train de prendre le chemin du vieux con solitaire derrière sa fenêtre qui critique les gens qui passent. Vous l'aurez compris, je suis plutôt du genre taciturne, appréciant le calme et la solitude. Bien que mon ex femme m’encourage à sortir parfois de chez moi, autrement que juste pour acheter de quoi manger. Du genre timide, je vais rarement démarrer une conversation, ou faire le premier pas. Pourtant, ironie du sort, j’adore transmettre ma passion, alors parfois, je ne peux pas m’empêcher d’intervenir quand je vois un gamin avec un livre interessant. Peut-être que je suis un peu “cringe” comme dirais les plus jeune, mais bon une passion c’est fait pour être vécu. Je cache un lourd passé, une tragédie que j’étouffe régulièrement sauf à une date très précise ou je m’enferme toujours chez moi.

Mon histoire aurait clairement pu se terminer par ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. J’ai appris à mes dépends que la vie est souvent faite d'embûches et que la mienne aurait surtout le droit à un gros tronc d’arbre mettant fin à ma route heureuse. Mais vu que j’aime bien les faits, remontant au commencement, promis cela aura son importance ! Je suis né, justement dans cette ville Irlandaise, Darkwicklow, j’y ai commencé ma vie, mes études, une vie bien rangée avec des parents aimants, doué à l’école bref rien à redire. Au lycée, je n’étais pas spécialement populaire, j’étais surtout effacé mais cela me convenait. C’est à l’université où j'ai commencé à m’essayer d’approcher “les femmes”. Généralement, je finissais par devenir ami avec elle, sans parvenir à avouer qu’à la base, je voulais surtout aller plus loin. Au moins j’avais un solide groupe d’amies ! Jusqu’à Elle…Elle c’est Elie Jones, une magnifique rousse qui partageait une table avec moi en cours d’histoire. J’ai rapidement trouvé une excuse pour la revoir, un devoir perdu par exemple (ce qui était une très mauvaise excuse), bref j’ai réussi à la revoir quelques fois à la bibliothèque pour me, nous rendre compte que nous partageons cet amour pour la littérature et l’histoire. Cette fois, j’étais décidé à ne pas être simplement un ami et maladroitement je lui ais fait comprendre que j’attendais plus. Clairement, Elie était plus douée que moi pour ce genre de choses. Elle est devenue mon tout, mes premières fois, mes angoisses parfois, bref nous étions un couple heureux. Nos études terminées, j’ai poursuivi en thèse d’histoire, puis repéré par une bonne université, Elie m’a suivi et nous nous sommes installés à Dublin. Sans elle, je n’aurais jamais eu le courage de devenir professeur et pourtant je m’y suis accroché. Je suis même devenu apprécié par les élèves qui n’étaient pas si éloignés que moi en âge. Nous nous sommes mariés rapidement, c’était une évidence pour elle et moi. L'année d'après Elie était enceinte. L'annonce m'a fait un choc, nous avions arrêté de nous protéger, mais je ne pensais pas que cela irait si vite. Nous étions encore jeune, enfin bref je pouvais facilement angoisser contrairement a ma femme qui elle accueillait la nouvelle de façon plus paisible. Notre couple se complétait toujours à merveille. Pendant les achats pour notre futur enfant, j’avais flashé sur une peluche de renard toute douce. Ma femme avait rigolé en me disant que cela risquait d’être trop grand. Mais je n’avais pas démordu, prétextant que cela sera pour plus tard. Aucun souci pendant la grossesse et notre fils William est né à Dublin le 07 novembre 2007. Ce fut un moment très fort en émotion que de tenir ce petit être dans les bras pour la première fois. De se sentir déjà tellement aimant, bref je ne pouvais pas être plus heureux qu’à ce moment précis. Une vie à trois, cela change pas mal de choses. Ce petit être a bien bouleversé nos vies et d’un commun accord, Élie et moi avions décidé de prendre notre temps pour le second. C’est à l’âge de 6 ans que Will  a commencé à avoir des soucis. Son professeur nous a alertés, demandant s’il dormait bien le soir, car il arrivait qu’il s’endorme en plein milieu de l'après- midi. Puis, Will ne voulait plus rien manger, au départ avec sa mère, nous pensions à quelques caprices, mais même ce qu'il aimait ne trouvait plus grâce à ses yeux. Alors nous avons donc décidé de prendre rendez-vous chez le médecin, puis celui-ci ne trouvant pas l'origine, il nous a conseillé de pousser les examens à l'hôpital.  Ce que nous avons fait. Cette fois, j'essayais d'être moins inquiet, surtout pour Élie et notre fils, mais déjà,  j'avais l'impression que mon ventre était dévoré par une angoisse grandissante. Le pire moment de ma vie, c'était certainement celui-ci, lorsque suite à un scanner, les médecins nous ont amené dans un bureau pour nous apprendre la nouvelle : leucémie, espérance de vie de 5 ans. Le monde c'est écroulé à ce moment précis, je ne sais pas comment nous avons réussi ma femme et moi à sortir du bureau pour rejoindre notre fils. Nous ne lui avons rien caché, si ce n'est cette foutue espérance de vie. Parce que forcément nous voulions y croire à une rémission. Pendant 1 an, Will a dû arrêter l'école pour commencer la chimiothérapie. A chaque fois, il emmenait avec lui sa peluche renard et nous rendait tellement fière avec sa mère car il affrontait le tout avec légèreté. J'ai réduit mes cours à l'université, nous avons entouré Will des meilleurs médecins et tenté de lui préserver une vie normale. La vie heureusement continuait, avec des hauts et des bas. L'hôpital était devenu notre deuxième maison à force. 5 ans…vous vous souvenez ? Ça passe si vite. Les rechutes étaient de plus en plus fortes. Will s'éteignait, rien ne peut préparer un parent à cette épreuve, à la cinquième rechute, nouvelle annonce. Il n'y a plus rien à faire. Avec sa mère, nous avons pris la décision de lui faire vivre ses derniers moments, loin de l’hôpital. 1 semaine, sans traitement, sans rien, en vacance comme une famille normale. Parc d’attractions, visite au musée, plage et bonbon, tout ce que la vie lui avait refusé jusqu'ici, nous lui avons offert. Grâce à une association, il a pu se rendre dans un zoo pour côtoyer de près les animaux. Cette semaine fut heureuse pour notre famille, mais la réalité nous rattrapa, Will était à bout de force au cinquième jour. Il décède 2 jours plus tard à l’hôpital, entouré de ses parents, son renard contre lui et nos larmes à son dernier souffle. Au son de cette machine infernal biiiiiiip qui ne s’arrête plus. 11 ans…Comment accepter que la vie soit si courte et que notre fils nous soit arraché cruellement ? Le deuil ? Je crois qu’Elie et moi n’avons jamais réussi à le faire. Nous ne pouvions plus vivre dans cette maison, ni même dans cette ville alors nous avons déménagé à Darkwicklow pour essayer de recommencer à vivre. Malgré nos efforts, nous nous sommes rendus à l’évidence, le chagrin était plus fort que notre amour et nous tirait l’un comme l’autre vers le bas. Alors nous nous sommes séparés, Elie a tenu à ce que je garde le renard. 42 ans, la vie est-elle terminée ? J’ai l’impression que oui et pourtant je suis toujours là à attendre, attendre un miracle, quelque chose ou quelqu’un qui me ferait reprendre goût à la vie.