Ce matin, alors que je me regardais dans le miroir pour regarder mon tout petit ventre, Esteban m'a rejoint dans la salle de bain. Je ne lui ai pas laissé la place assez vite et je n'ai pas répondu lorsqu'il s'est adressé à moi. Ayant mal dormi, il est de mauvaise humeur. Encore plus depuis que j'ai vomi en sentant l'odeur du café... Alors forcément, comme je ne me décale pas assez vite, il me pousse une première fois. Je m'éloigne pour lui laisser ma place sans rien dire et je vais dans notre chambre afin de faire le lit. J'en profite également pour plier le linge que j'ai détendu la veille au soir et je range tout dans nos armoires. Il me rejoint et cherche quelque chose. Il s'énerve de plus en plus et je découvre qu'il cherche un haut que j'ai rangé. Je vais donc lui apporter mais j'ai agi bien trop tard. J'aurais du deviner qu'il en aurait besoin... Il s'emporte. Une gifle. Je recule car il me fait peur... Mais je continue de lui sourire. Je l'aime et je sais que c'est le manque de sommeil qui le fait agir ainsi... Cependant, une petite part de moi voudrait partir en courant. Sauf que je lui montrerai ainsi que j'ai peur et il le vivrait très mal. Je ne veux pas lui faire de la peine. Je ne veux pas briser son cœur. Il m'insulte. Son téléphone sonne. Il regarde qui l'appelle avant de jeter l'appareil sur le lit. J'ignore pourquoi, il se retrouve encore plus en colère. Une nouvelle gifle gratuite. Il me pousse et me dit que je devrais bouger mon gros cul pour aller travailler pour rembourser tout ce que j'achète. Je ne suis pas une personne dépensière. Je n'achète que pour nous... Je n'ai encore rien pris pour le bébé et je ne prend que rarement des choses pour moi... Je ne répond pas et cela ne lui plait pas. Il me donne alors un énorme coup de poing dans le ventre. Je suffoque. La panique me prend. Je lutte pour ne pas l'insulter. Il peut lire dans mon regard la peur. Les larmes coulent. Il m'attrape par les épaules et me secoue en disant que tout est de ma faute. Il ne voulait pas frapper mon ventre mais je l'ai poussé à bout et il n'a pas réfléchi. J'ai légèrement mal... Il le voit alors il m'informe que je devrais aller à l'hosto. Je ne prends pas conscience qu'il dit cela a contre cœur. J'ignore qu'il a perdu son job là bas. Il doit avoir peur que je ne le découvre...

Je termine de me préparer en vitesse et je me rends toute seule à l'hôpital. J'informe la personne à l'accueil des urgences que je suis enceinte de dix sept semaines et que je suis tombée dans les escaliers sur le ventre. Un médecin me reçoit rapidement et m'examine. J'ai le droit à une écho. Le calme revient immédiatement en moi. Avec la peur en fond. Peur de perdre ce petit être... Le médecin semble me croire. Il ne remet pas en doute ma parole. Il m'informe que je dois me reposer un peu mais que bébé va bien. Je suis tellement soulagée. Mon bébé va bien. Son père ne lui a pas fait de mal. Il va être rassuré lui aussi. La consultation se termine. Le médecin insiste pour que je me repose, ma tension n'était pas bonne. Il me prescrit quelques médicaments. Je sors de la pièce et je souffle. Je n'ai pas envie de rentrer chez moi... J'erre un peu dans les couloirs, caressant mon ventre pour me rassurer...

Le médecin a tout bien vérifié. Il a été minutieux lors de l'échographie pour ne rien rater. Car tomber sur son ventre ce n'est pas rien... Encore plus quand on sait en vrai que j'ai reçu un coup de poing... Le bébé se développe bien. Il a la bonne taille. Mais le médecin aimerait que je me repose et que je ne sois pas stressée. Il pense que la tension n'est pas bonne à cause de la peur que j'ai eu en tombant. Il a surement raison. Mais je sais qu'il n'y a pas que cela... Je suis inquiète. J'ai peur qu'Esteban me donne un autre coup dans le ventre... Et que cette fois-ci il y ait des dégâts... Qu'il fasse du mal à notre bébé... C'est pour cela que je ne rentre pas tout de suite. J'ai besoin de marcher un peu, besoin de réfléchir... Je ne veux pas quitter mon mari... Mais les mots qu'on prononcé Dagnyr restent ancré dans ma tête et dans mon cœur. Et puis, j'aime déjà tellement ce petit être qui grandit en moi. Je ne veux pas qu'il vive dans la violence... Je peux le supporter mais pas ce bébé... Et de toute façon, Esteban ne me laissera pas partir... Je suis perdue... Totalement... Je ne dois pas réfléchir à cela pour le moment, cela me stress... Je caresse doucement mon ventre et je me perds dans l'hôpital. Je ne sais pas trop où je vais... Je sursaute quand une femme se met à me parler. Elle fait partie de l'hôpital, elle a une tenue médicale. Je lui souris, un peu tristement.

- Oui... Oui ne vous en faites pas... Je dois juste éviter le stress... Et faire le vide dans ma tête... Mais ce n'est pas simple...

Je ne peux lui dire la vérité. Parce qu'Esteban pourrait avoir des soucis. Parce qu'on pourrait prévenir la police... Et je ne veux pas. Il ne fait pas exprès, il regrette... Mais je peux lui dire que j'ai quelques soucis personnels, sans entrer dans les détails... Elle aura sans doute quelques conseils à me donner... Surtout, je dois faire attention à ne pas l'inquiéter, à ne rien laisser transparaitre. Alors je garde le sourire. Et si elle voit dans mon regard de la tristesse ou de la peur, j'expliquerais que cela concerne le bébé... Rien de plus...

Croiser cette jeune femme me fait du bien. Elle est arrivée pile au moment où j'en avais besoin. Je suis perdue... Je ne sais plus quoi faire. Les mots de Dagnyr me reviennent en mémoire. Les gestes d'Esteban aussi... Je dois penser à ce petit être qui grandit en moi mais également à mon avenir... Il est difficile de se confier... De dire les choses sans que cela ne retombe sur Esteban. Je ne lui veux pas de mal... Et pourtant... Je comprends de plus en plus que ses agissements ne sont pas normaux... Elle me dit que je ne suis pas seule. Je souris tristement. Je le suis en un sens... Mais surement parce que je m'isole...

- J'essaie de ne pas stresser mais ce n'est pas évident... Je ne suis pas beaucoup entourée...

Je n'ai plus de famille, plus vraiment d'amis... Je n'ai qu'Esteban... Et cet homme qui m'est venu en aide... Cet homme qui semble comprendre ce que je traverse... Sans pouvoir imaginer la vérité... La femme se présente. Elle s'occupe des enfants de l'hôpital. Cela me fait sourire. C'est un beau métier qu'elle fait. Cependant, je n'ai jamais entendu le mot doula. Elle m'explique ce que c'est. Cela semble intéressant.

- Je suis enchantée Olivia. Je m'appelle Giulia. Je ne connaissais pas votre métier. Comment est-ce que cela se passe ? Vous venez à domicile ? Vous... Vous faites quoi exactement ?

Je prends doucement la carte et je la regarde un instant. Si elle vient à la maison, je ne pourrais pas faire appel à elle... Même si cela semble vraiment bénéfique. Je ne peux pas la faire entrer dans la vie d'Esteban. Il ne comprendrait pas. Nous n'avons besoin de personne pour nous aider... Et cela pourrait être dangereux. Elle pourrait vouloir le rencontrer, pouvoir faire des commentaires qui ne plairaient pas à Esteban... Elle pourrait voir certaines choses et mal les interpréter. Ou bien les interpréter... Je ne sais plus...

- Vous êtes soumise au secret médical ? Vous... Je ne sais pas... Cela pourrait être bien... Je vais y réfléchir. Cela coute cher ?

Parce que je ne gagne pas beaucoup. Esteban oui (enfin non... Mais j'ignore qu'il a perdu son travail) et je sais qu'il ne participera pas à ça. Pour lui ce sera surement inutile... Je n'ai pas besoin de parler ou de soutien sauf avec lui. Cependant, parler avec quelqu'un... Une personne qui pourrait me rassurer... Cela pourrait m'aider... Et même si je ne me confie pas sur certains points, je pourrais mieux réfléchir et prendre des décisions... Me voilà encore un peu plus perdue... Ai-je le droit d'essayer cela ? Je pourrais arrêter à tout moment... Je caresse à nouveau mon ventre en le regardant. Je lutte pour garder un sourire sur mes lèvres.